THE CLUB ON THE AIR

statut blues festival

 

1977 - 1979 : LES 2 ANS DU NEW MORNING

Au départ, il s'agissait d'inviter une tête d'affiche internationale à se produire 3 soirs de suite dans un New affichant "complet" des semaines à l'avance; seul espoir de financer l'événement... Mais qui ? "Taj Mahal serait l'idéal (Taj était une "grosse" vedette de l'époque) sauf qu'il est booké des mois à l'avance aux 4 coins du monde et que son manager est injoignable..." Réagissant à mes propos, s'est alors calmement approché de moi le régisseur du groupe programmé ce soir là. "Je suis le frère de Vic (O'Gilvie), le manager de Taj me dit-il. Je lui donnerai vos coordonnées ce soir au téléphone à NY si vous voulez...".

blues festival banner

Le lendemain après midi, coup de fil de NY. C'était Vic : "La chance est de notre côté. Taj est libre ces 3 soirs... Il adore les anniversaires et il a entendu parler du New Morning en bien... " Les jours suivants, nous nous sommes parlé plusieurs fois pour organiser la logistique. Vic (nous sommes restés amis jusqu'à son décès vingt cinq ans après) était curieux des origines du New et de mes plans. Un matin, il m'a demandé : " Ca ne t'intéreserait pas de faire venir quelques autres bluesmen avec Taj ?" Bien sûr que ça m'intéresserait mais toutes les salles de spectacles de Genève , grandes et petites, étaient indisponibles le week-end de "l'anniversaire". "Je comprends m'a fait Vic. Penses-y à temps l'année prochaine". Nous nous sommes donné rendez-vous à NY 48h plus tard pour signer le contrat avec Taj... J'ai appelé Swissair et commencé à ranger mes papiers...

 

 

UN CHAPITEAU TOMBé DU CIEL !

chapiteau solo

 

48h après, je somnolais dans la voiture de l'ami qui me conduisait à l'aéroport. Parvenu à la bifurcation du Bouchet, il a pris la direction de Cointrin et a longé ce qui n'était à l'époque que le chantier de Balexert, camions, grues, tracteurs, chariots, poussières... et je ne sais quoi d'insolite dans le décor qui m'a fait sursauter :"Stop ! Demi-tour ! Engage-toi dans le chantier !". Mon copain a lancé son véhicule dans une figure tenant plus du tête-à-queue que du demi-tour et il est entré tout droit dans le chantier. Après trois minutes de navigation acrobatique, il m'a tiré par la manche en marmonnant, le menton pointé vers quelque chose devant lui : "Nom de Dieu...". Clin d'oeil de la Providence ? Coïncidence ? - indifférent à ces nuances se dressait là, tombé du ciel pour le meilleur et pour le pire, dans son imposante majesté, un chapiteau... - le chapiteau qu'il me semblait bien avoir entrevu. Ouf, je n'hallucinais pas : "Déposes-moi à l'entrée s'il te plait. J'en ai pour 5 minutes".

 

chapiteau

 

Suis entré, sur la pointe des pieds... Dans l'obscurité, une faible lampe de poche s'est allumée dans les gradins.

"Depratère, propriétaire des lieux! Puis-je quelque chose pour vous?" me demande une voix au fort accent belge... "Pardonnez-moi... Je n'ai pas résisté à la curiosité. Depuis des mois je suis à la recherche d'un chapiteau semblable au vôtre pour un festival de blues de trois jours dans la banlieue genevoise."

"Vous tombez à pic répond Monsieur Depraetère, qui m'explique à son tour que, venu de Belgique à la demande des promoteurs de Balexert pour marquer la fin d'une étape du chantier, il s'apprêtait à rentrer chez lui lorsque son camion et son chauffeur, en piteux état les deux, se sont volatilisés à la recherche d'un garage... La Police lui a donné un ultime délai de 24h pour démonter sa "tente" et quitter les lieux - faute de quoi ce sont eux qui la transporteraient vers la décharge municipale où elle serait brûlée. Sur ce, Monsieur Depratère, surmontant sa timidité, se jette à pieds joints dans le coeur du problème.

"Pensons-nous à la même chose ? J'ai besoin de deux manutentionnaires "poids lourds" avant de louer un camion qui me permettra de déposer mon barda dans votre coin de banlieue genevoise. Puis je remonterai le chapiteau et vous pourrez y organiser votre festival sans qu'il vous en coûte le moindre franc" .

Qu'auriez-vous fait à ma place ?

"Marché conclu ! Je vous envoie les manutentionnaires. Je vous retrouverai dans 48 heures à mon retour de NY".

Dans le hall de Cointrin je n'ai pas hésité à appeler Vic (il dormait) : "Non, je n'ai pas raté mon vol... Juste pour te dire que la fête au club est annulée. J'ai trouvé un chapiteau de 3000 places... - c'est ça, tu as bien entendu, 3000 places... 9000 places sur 3 jours si tu préfères."

"C'est noté. Tu me raconteras tout ça à JFK où je viens te chercher tout à l'heure"

 

BIENVENUE AUX ETATS-UNIS

En arrivant à JFK, la première silhouette que je reconnais dans la foule est celle "du basketeur grisonnant de 2m10 mâchouillant non stop une pipe éteinte" que Vic m'avait décrite. "Bienvenue aux Etats Unis, Daniel ! Vous n'avez que cette malette porte-documents ? Donnez-moi votre passport, je le ferai tamponner à la sortie après la douane". Laquelle douane - une ravissante douanière afro-américaine... - s'étonne tout de même de mon absence de bagages. "Je fais juste l'aller-retour..." "Et peut-on connaitre la raison de cet aller-retour?" La perche était trop belle pour Vic qui se fit un plaisir du haut de ses 2m10 de confirmer à sa Soul Sister que je débarquais de Genève pour signer le contrat d'engagement d'un plateau de bluesmen américain célèbres dirigé par Taj Mahal . Le regard de la douanière se mit à pétiller."Je ne devrais pas vous le dire mais... j'adore le blues ! s'exclama-t-elle - et même, pour ne rien vous cacher... je suis folle de Taj ! Bienvenue aux Etats-Unis Messieurs ! Je ne vous retiens pas, vous devez être très occupés".

 

 

JFK

 


 

UN FANTASTIQUE PARI

Durant les 45 minutes de la course de taxi qui nous ramenait de JFK au bureau de Vic, nous avons eu la premiére conversation qui a décidé du sort de la célébration des 2 ans du New. Souvenirs :

Vic : - "Taj est tout excité par le chapiteau. Il imagine une célébration des 2 ans de ton club sous l'égide d'un festival de blues auquel les meilleurs musiciens actuels seraient fiers de participer.

Daniel : - "Un New Morning Blues Festival ... ?"

- Exactement. Un festival qui ne serait pas un gimmick promotionnel nombriliste de plus mais un sincère et profond hommage à une figure légendaire du blues pour qui ce serait, à plus de 80 ans, un premier voyage à l'étranger. Taj pensait... il pensait que... (silence...)

Vic hésite. Moi aussi. Mille choses se jouaient en quelques secondes. Le plus grand doigté était de mise. Et la balle était dans mon camp :

- A quelle figure légendaire pensait-il ?

- Il pensait à Elizabeth Cotten née en 1893. Ses grands parents étaient des esclaves libérés...Tu vois qui c'est ?

- Franchement non...

- C'est elle, à l'âge de 11 ans, qui a composé "Freight Train"...

.- "Freight Train" ?. .. C'est elle qui a composé "Freight Train" ?

- Entre autres bijoux de la musique folk - oui, c'est elle...

- Alors invitez la tout de suite et occupez-vous de son passport. Au début des années soixante, "Freight Train" est entré dans mon musée imaginaire par la grande porte et il n'en ai jamais ressorti.

 

TOUT LE MONDE AIME ELIZABETH COTTEN

elizabeth cotton

 

 

 

 

 

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